CENSURE (MOTION DE)

CENSURE (MOTION DE)
CENSURE (MOTION DE)

CENSURE MOTION DE

Demande déposée par un ou plusieurs parlementaires, tendant à obtenir la condamnation du gouvernement par l’Assemblée à laquelle ils appartiennent. Expressément prévue en France par la Constitution de la IVe République, la motion de censure tomba rapidement en désuétude, le gouvernement préférant, en général, mettre en jeu sa responsabilité devant le Parlement. C’est pourquoi, dans son effort pour assurer la stabilité gouvernementale, la Constitution de 1958 accorde un grand rôle à la motion de censure, qui oblige les membres des Assemblées à manifester clairement leur désir de voir remplacer le ministère. Celui-ci se trouve ainsi protégé contre lui-même, puisque, sauf dans les hypothèses où il se décide à engager sa responsabilité sur son programme ou sur une déclaration de politique générale, c’est à l’Assemblée nationale qu’il appartient de lui témoigner sa défiance, avec les risques que fait alors courir aux députés la quasi-certitude de la dissolution.

Deux types de motion de censure bien distincts sont prévus par la Constitution. Premier type, la motion de censure «spontanée», ou «offensive», par laquelle, en vertu de l’article 49, alinéa 2, «l’Assemblée nationale met en cause la responsabilité du gouvernement» sur tel aspect de sa politique. Cette motion, recevable seulement si elle est signée par un dixième des membres de l’Assemblée, n’est discutée que quarante-huit heures après son dépôt, laissant ainsi un délai de réflexion aux députés. Seuls sont recensés les votes favorables à la motion de censure, qui ne peut être adoptée qu’à la majorité des membres de l’Assemblée (de sorte que l’abstention équivaut pratiquement à un vote de rejet de la motion de censure). C’est par cette procédure de l’article 49, alinéa 2 que la motion de censure, déposée le 2 octobre 1962 contre le gouvernement de Pompidou — qui avait proposé au président de la République de modifier la Constitution par référendum —, fut adoptée le 5, par 280 voix, la majorité absolue étant alors de 241 voix. (L’événement reste unique dans les annales de la Ve République.) Il faut observer que, si la motion de censure spontanée est rejetée par l’Assemblée, ses signataires ne peuvent plus en proposer une nouvelle au cours de la session parlementaire. Second type de motion de censure (la «question de confiance»), celle prévue par le troisième alinéa de l’article 49, qui dispose que, si le Premier ministre «engage la responsabilité du gouvernement devant l’Assemblée nationale sur le vote d’un texte [...], ce texte est considéré comme adopté, sauf si une motion de censure, déposée dans les vingt-quatre heures qui suivent, est votée dans les conditions prévues à l’alinéa précédent». Il ne s’agit donc plus, dans ce cas, d’une motion de censure spontanée, mais d’une réponse de l’Assemblée à l’intention du gouvernement de faire adopter un texte de loi. La motion de censure est alors directement provoquée par le pouvoir exécutif, qui invite, en quelque sorte, les membres de l’Assemblée à en déposer une. Mais elle constitue, néanmoins, une sauvegarde pour le gouvernement, puisque les députés, qui auraient voulu s’abstenir sur le texte proposé, ne pourront exprimer leurs réserves qu’en votant la censure, ce que, bien souvent, ils ne feront pas. Répondant à l’excès d’instabilité de la IVe République, la motion de censure a, sans doute, favorisé l’excès de stabilité de la Ve par le fait même que, au lieu d’inciter le gouvernement à modifier sa politique, elle entraîne son renversement. Elle est l’«arme suprême», comme l’a qualifiée le président Pompidou. Le défaut d’armes intermédiaires que pourraient prévoir les institutions constitue, selon Georges Burdeau, une des causes de l’impuissance du Parlement.

En Grande-Bretagne également, le Premier ministre a la possibilité de faire vérifier la politique de son gouvernement et, à cette fin, de poser la question de confiance. Réciproquement, des membres de la Chambre des communes peuvent proposer une motion de censure. En fait, sauf exception, c’est la cohésion de la majorité existante qui permet au cabinet de se maintenir. Dans le cas contraire, il est fait appel au pays. Le renversement du cabinet Callaghan en 1979, après l’adoption à une voix de majorité (il était en fait minoritaire depuis 1976) d’une motion de défiance présentée par l’opposition, reste le seul exemple depuis la guerre où un vote des Communes ait affecté directement le sort du gouvernement. Entre les deux procédures, de question de confiance et de motion de censure, le Parlement utilise son droit de contrôle et d’intervention efficaces à l’aide de deux autres pratiques: les questions orales, au début de chaque séance, et les «crises sèches» qui entraînent le départ du gouvernement lorsque le Premier ministre a subi un échec personnel; ainsi en a-t-il été en 1940 de Chamberlain, contraint de laisser la place à Churchill; en 1956, de Eden, au bénéfice de Macmillan; en 1963, ce dernier, éclaboussé par le scandale Profumo sera remplacé par sir Alec Douglas-Home.

En Allemagne, le Bundesrat (représentant les Länder), qui ne participe pas à la nomination du chancelier, ne peut renverser le gouvernement. Il ne dispose que d’un droit de veto en matière législative. Le Bundestag (représentant le peuple allemand) peut renverser le ministère (à la majorité absolue de ses membres), mais à la condition de désigner un successeur au chancelier. Réciproquement, ce dernier peut poser la question de confiance et, s’il n’obtient pas un vote favorable de la majorité absolue des membres de l’Assemblée, le président fédéral peut, à sa demande, dissoudre le Bundestag dans un délai de trois semaines. Toutefois, cette dissolution n’est plus possible si le Bundestag a accordé l’investiture à un successeur du chancelier.

Aux États-Unis, le Congrès, bien qu’élu au suffrage universel, ne peut obliger les ministres (ou le président dont ils sont les collaborateurs) à démissionner. Le vote de défiance n’est pas prévu par la Constitution, non plus que les questions ou les interpellations. Le Congrès détient, en plus du pouvoir législatif, un pouvoir judiciaire par la procédure de l’impeachment , dont l’application a été envisagée à l’égard du président Nixon à l’occasion de l’affaire du Watergate, qui éclata en 1973. Les commissions du Congrès, toutefois, disposent d’un «pouvoir d’investigation» qu’elles utilisent souvent pour contrôler et, le cas échéant, critiquer l’exécutif. Il convient en outre de signaler les pouvoirs propres au Sénat en matière de nominations et de politique étrangère: son accord doit être obtenu par le président, faute de quoi il peut y avoir refus de ratification, comme ce fut le cas pour le traité de Versailles.

Encyclopédie Universelle. 2012.

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